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LeCartophile
26 octobre 2007

Carte Postale #4

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    Si vous descendez un jour vers le soleil en suivant la nationale sept, vous arriverez fatalement dans les alentours d'un petit village accroché à une volonté de falaise. Il se réchauffe au coeur de ses murailles médiévales, pas de fortes murailles, non, des murailles sympathiques qui n'ont jamais empêché personne de passer en fait. Au centre de ce bourg se dresse, ou plutôt se terre, car on y descend, se terre donc la Maison Papon, nommée ainsi d'après son propriétaire au XV° siècle, un obscur juge. C'est une maison qui, restaurée, allie aujourd'hui heureusement la brique vernissée, la pierre de taille et la pierre dorée de Charlieu. Elle a été, durant les temps de sa décadence, la propriété d'une vieille dame sans enfants mais néanmoins fort bien entourée de deux neveux aussi empressés l'un que l'autre à la satisfaire du mieux qu'ils pouvaient.

    Ces deux-là avaient en commun une rapacité hors du commun et se haïssaient sans se le dire. Malgré sa légendaire avarice, Julien n'hésitait jamais à couvrir sa vieille tante de menus cadeaux lesquels finissaient invariablement dans la vitrine de la sombre salle à manger. Gauthier, lui, bien qu'il fût d'une illustre paresse, n'hésitait pas à sacrifier de son temps pour donner la main aux menus travaux de la maison. Il arriva que malgré les soins constants des deux jeunes gens, la vieille vint à mourir par une belle nuit de printemps et qu'il fallut donc se rassembler face au notaire pour prendre connaissance du contenu du testament. Leur tante, bonne comme le bon pain et juste comme Salomon, avait décidé que les deux garçons devraient se partager la maison qui, affirmait-elle, était bien assez grande pour deux célibataires.

    L'atmosphère était maussade au sortir de l'étude de maître Bonnabaud, notaire à La Pacaudière, et les deux faux frères étaient plongés, boudeurs, dans de sombres pensées. Ils avaient imaginé, l'un et l'autre a fonder foyer dès la mort de la vieille, ce que celle-ci, ne les ayant jamais considérés que comme des enfants, n'avait pas même prévu. Partager la maison ne les arrangeait ni l'un ni l'autre et déjà ils fomentaient des plans pour récupérer la moitié de l'héritage qui venait de leur échapper.

 

    Il fut d'abord question de tester la résistance de chacun à la saleté. Ils durent se rendre vite compte qu'ils étaient capables de vivre dans la maison comme dans une étable et que les dégradations qui en résultaient dépréciaient sa valeur immobilière. Une si belle maison. Puis on se concentra sur diverses autres pollutions (quand bien même le terme ne fût pas inventé à l'époque) Gauthier apprit à jouer du cor de chasse et Julien de la vielle à roue. Ils se firent assez horreur à eux-mêmes pour arrêter leurs efforts artistiques avant que la population du village fit venir la maréchaussée. Enfin, sous couvert de chasse aux rats, de diverses tâches ménagères, d'oublis fâcheux, l'on s'enfermait, l'on se laissait dehors, l'on se faisait chuter dans les escaliers...

 

    Enfin l'un d'entre eux craqua, et Gauthier rendit les armes. Julien, pingre comme il l'était fit cependant une offre alléchante à un Gauthier au bord des larmes pour racheter la moitié de maison. Contre toute attente, la proposition fut acceptée, et de la maison tant espérée la part fut vendue, sans discussion. Gauthier, en souvenir de la vieille ne voulait que garder un souvenir. Julien donna son aval. Il fut quelque peu surpris : Gauthier voulait la cheminée du salon, juste un linteau de pierre dorée qu'on avait posé là. Il était joli certes, mais il ne valait rien. Julien le céda avec bonté, il se trouvait alors le meilleur des hommes.

 

     Ainsi, Julien se réveilla dans sa maison enfin seul. Il se décida alors à mener une vraie vie d'homme, se mit à sortir au bal, car le moment était venu de fonder une famille. La belle Eugénie fut la première à rendre les armes aux yeux bruns de Julien. C'est après la kermesse qu'ils se décidèrent à partager la même couche, et c'est en sortant à peine des draps de lin rudes que le jeune couple entendit frapper de façon lancinate à la porte d'entrée. L'huis ouvert, un Gauthier souriant s'avança, une lourde masse à la main.

 

     "Je viens récupérer la cheminée."

 

       Même s'il trouvait le procédé cavalier, Julien fit entrer son frère et le conduisit jusqu'au salon. Le premier coup de masse détruisit la cloison entre le salon et la cuisine à un mètre de hauteur , le second à un mètre cinquante, le troisième hésita entre les crânes des deux garçons et finalement fit exploser plusieurs tommettes.

 

     Appelés en urgence par une Eugénie qui faisait ses valises avant même de les avoir posées, les gendarmes emmenèrent Julien et Gauthier au poste où ils purent s'expliquer. Maître Bonnabaud dut bien reconnaître que le contrat de vente incluait la cheminée et non pas l'âtre seul. 

 

    Gauthier en fit donc son nouvel asile, défonçant le toit pour sortir la cheminée par ce biais, dormant dans le foyer sans pouvoir en être chassé, y cuisant d'odorantes nourritures en plein été, refusant qu'on y allumât le moindre feu au plus profond de l'hiver.  Il ricanait aux menaces du propriétaire des lieux, il semblait inexpugnable dans une maison qui n'était pas la sienne mais dont il habitait le coeur.

 

Si vous descendez un jour vers le soleil en suivant la nationale sept, vous arriverez fatalement dans les alentours d'un petit village accroché à une volonté de falaise. Arrêtez-vous un instant pour en visiter le cimetière : vous trouverez à deux coins opposés deux tombes sur lesquelles les noms et les dates sont similaires.

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Commentaires
T
dkbkljhlbfb :qjdùml lsdkfj<jf (c'est malin, voilà ce que ça donne quand je suis obligée de crypter mes commentaires. Chers habitants de l'asréroïde B612, ne m'en voulez pas svp...)khkwbsflkez sqfdlgv,n dc<MJKQLHKs oshqfLK?NLD !!!
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M
JE VAIS ETRE DESAGREABLE HEIN !
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T
pardon... je le referai plus... dans ma tête seulement alors! Je n'en pense pas moins!<br /> Est-ce que je peux te comparer à des faux écrivains par contre? Euh... en fait non. Ah si!, j'en connais un!, il s'appelle Maupassant je crois!
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M
Tiphaine } plus jamais me comparer à un vrai écrivain, plus jamais. C'est mal. Ou alors après ma mort quand je serais publié en livre de poche.
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T
L'histoire ne dit pas ce que le père noël, grand specialiste, en a pensé...<br /> J'aime beaucoup cette quatrième carte, tu es en train de faire au moins aussi bien qu'un certain Maupassant, en plus vivant quand même, chapeau moi je dis!<br /> et à demain!
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